« L’oiseau blanc » de Cathie Barreau : ce que dit le retour

Sur la côte atlantique, dans une petite région que la mer a désertée laissant les hommes apprivoiser ces terres d’eau et de ciel, ce qu’on appelle le marais, se trouve un village qui vit au rythme des saisons et des changements d’humeur du ciel et de la mer…

Lucas, le narrateur revient dans le village de son enfance, de sa famille, de ses ancêtres après avoir travaillé et séjourné à l’étranger (Canada, Liban). Pourquoi revient-il ? Que revient-il chercher ? Que découvrira-t-il ? Il s’occupe de l’eau, c’est son métier et l’eau, justement est très présente dans ce pays : la mer, les marais.

Lucas sait ce que ses voyages lui ont apporté, ce qu’il laisse aussi. Ce qui lui manque, il ne le sait pas vraiment mais il semble qu’il revienne sur les lieux de son enfance pour apprendre quelque chose. Sa famille, les habitants qu’il retrouve, les habitudes, les lieux anciens et nouveaux, tout est chargé d’émotions, de mystère même et la vie va s’ouvrir, s’enrichir de ce retour.

Les lieux décrits évoquent bien ces régions incertaines du marais où les ciels immenses éclairent des horizons étendus, où il semble qu’il n’y ait rien à voir, qu’il ne puisse rien s’y passer. Mystère de ces lieux qui changent avec les saisons, avec la montée des eaux, le séjour des troupeaux, le passage des migrations. Cathie Barreau connaît bien ces lieux et nous fait partager la familiarité qu’elle en a avec le plaisir de nous les faire découvrir.

Les personnages du roman, les habitants du village, la famille de Lucas, dont il ne reste qu’un vieil oncle, sont liés par des habitudes presque familiales et les nouveaux habitants sont intégrés avec autant de générosité que de simplicité et de réserve.

Une tempête

L’évènement majeur du roman est une tempête annoncée qui fait résonner dans la mémoire des villageois une précédente et récente tempête qui a laissé des traces dramatiques dans le pays. Tout va être organisé pour éviter un autre drame. Les relations entre ceux qui vivent là en seront exacerbées. Lucas sera projeté dans un amour naissant qui le fixera encore plus dans ce retour et « l’oiseau blanc » qui n’est ni un héron ni une aigrette garzette mais l’avion construit par l’un des jeunes habitants du village qui deviendra le symbole de ces retours, de ces départs, de cette liberté de survoler sa vie et de choisir les lieux où se poser.

Ces paysages que l’on traverse souvent sans s’arrêter puisqu’il « n’y a rien à voir », c’est Cathie Barreau qui leur donne vie, celle que l’on partage avec les personnages. La vie avec ses attentes, ses émotions, ses désirs, quand le caractère de chacun se révèle dans ses possibilités, l’amitié, les amours, l’inscription dans le temps et les mémoires. Les descriptions de ces paysages, leur atmosphère, tissent avec les évènements entre les hommes et les femmes du roman, entre les âges de chacun aussi, une trame particulière où l’on sent bien que choisir le lieu de sa vie n’est pas anodin. Qu’il en reste quelque chose dans le caractère et parfois dans la morphologie.

Raconter une histoire

Raconter une histoire ce n’est pas simplement être conteur, c’est éprouver de la pensée, des idées en utilisant des mots, un langage, en cédant à l’imaginaire, au plaisir de la littérature. L’intrigue du roman de Cathie Barreau nous intéresse mais l’écriture nous attache aussi. Cathie Barreau est l’auteure de quelques romans subtils où les questions de la vie en général, de l’amour, du destin, de l’implication de chacun, prennent une grande place. Les lieux, les évènements extérieurs, les circonstances nous mettent devant des choix qu’il faut assumer sans toujours savoir ce qui en résultera. Le retour de Lucas sur les lieux de sa famille l’éclairera sur lui-même en lui donnant le courage de se connaître et de choisir sa vie.

L’oiseau blanc est un roman parfois nostalgique mais chargé d’une énergie, d’une vitalité qui emportent. Un roman réaliste autant que poétique.

Luce Guilbaud, février 2023

L’oiseau blanc, Cathie Barreau, L’œil ébloui 2023